Attendre les trois coups, faire le vide en moi-même 
Le faux-nez ajusté, le teint presque livide 
Le velours s’écartèle, ce soir c’est la millième 
M’accrocher à un vers, me jeter dans le vide 
Souffrir d’applaudissements, avant de s’enivrer 
Pourtant mon trac à moi, c’est pas pour le public 
C’est pour celle qui bientôt fera là son entrée 
Grâce à qui “naturel” m’ont jugé les critiques 
Car je l’aime sous cape, même dans les coulisses 
Celle que Cyrano n’aime qu’en comédie 
Car je me pique au jeu de ce doux synopsis 
Je sais seul que je ne joue pas quand je frémis 
Mais ce soir comme les autres je n’lui dis pas je t’aime 
Avec pourtant le plus beau des plus beaux poèmes 
J’étouffe des mots des autres, quand d’autres aiment en silence 
Et le cœur en mille pièces, je tire ma révérence 
(pont) 
Un jour, moi, je créerai un vrai coup de théâtre 
Au diable l’alexandrin, je n’en f’rai qu’à ma tête 
Assez d’user les planches, et d’essuyer les plâtres 
Je m’émanciperai, me vol’rai la vedette. 
Au diable Roxane, Rostand, au diable la Dordogne 
Elle entendra le bruit sourd de mon cœur qui cogne 
Qui se déchire, muet, quand le héros se meurt 
Et quand je lui survis, hanté par sa douleur 
Comme une chape de plomb, le rideau retombé 
Une nuit comme les autres, et je n’ai pas osé, 
Du silence mon secret, déjà enveloppé 
Je surveille sa loge, déjà elle disparaît 
Qu’importe, de toute façon, jamais je n’oserai 
Mais si elle est Manon, je serai Ugolin 
Si elle est Montaigus, je serai Capulet 
Partenaire à la scène, peut-être plus demain... 
Peut-être demain... 
Demain... 
Demain...