J'y suis allé hier
Trente années ont passé
Nous étions délurés
C'est à présent désert
J'ai refait le chemin
Menant vers notre cour
Emprisonnée de tours
Autrefois notre écrin
Nous y avons grandi
Dans la sérénité
Avec simplicité
Étrangers à l'ennui
Je me suis approché
Puis je me suis assis
Sur les marches en sursis
Nos chaises préférées
Nous y faisions salon
Et déjà tout petits
Installés entre amis
Nous posions les jalons
De nos destins adultes
Entre jeux et chansons
Entre rêve et raison
Inconscients des tumultes
J'ai fermé les paupières
Et j'ai laissé partir
La machine à souvenirs
Je me suis laissé faire
Et petit à petit
La brume a disparu
Nous sommes apparus
Une ronde étourdie
S'enroulait devant moi
Des cris d'enfants heureux
J'étais là parmi eux
Submergé par l'émoi
J'ai gardé les yeux clos
Pour admirer le film
Des saynètes intimes
Dont j'étais le héros
Passaient en ritournelle
Des couettes à ruban
Des genoux rouges sang
Des rires éternels
Des frôlements de peau
Des regards émouvants
Aussi doux qu'effrayants
Un cinéma très beau
Rassasié d'émotions
Je me suis assoupi
Le rêve m'a saisi
Dans ma lévitation
Je crois avoir senti
La caresse légère
De la voix de ma mère
Et le parfum béni
D'un gâteau dans le four
La recette est basique
L'ingrédient est unique
Il n'est fait que d'amour
Je dois me réveiller
La nuit a envahi
La ville ivre de bruit
Il me faut y aller
Repasserais je un jour ?
Tout au bout de l'impasse
Ou mes rêves s'entassent
Humer ma vieille cour
Qui comme ultime preuve
D'un clin d'œil à l'humour
Vieillit dans les faubourgs
Des rues de La Courneuve