La vieille arc-boutée entre les brancards de la charrette à bras regarde d'un air blasé le panneau indiquant le nom de la rue qu'elle descend péniblement : "avenue de la gloire", tu parles d'une gloire !!
La gloire de quoi ?
La gloire d'avoir vécu toutes ses années dans un taudis, à huit personnes entassées les unes sur les autres dans une pièce de quinze mètres carré.
La vieille se retourne pour la troisième fois, elle regarde son bien le plus précieux : la marmaille agglutinée à la vieille charrette, le plus jeune a 5 ans, la plus vieille sûrement 20 ans et déjà maman, avec des sourires en veux-tu en voilà !
Elle les a mis au courant bien sur !!
Ils savent qu'il vont dans une autre maison, mais c'est quoi une autre maison ?
La maman leur avait répondu laconiquement : "Une maison plus grande avec des toilettes et une salle de bain"
Fini la corvée de pot de chambre à aller vider en passant devant les voisins...
La honte !
A 6 ou 7 ans on a de la pudeur, surtout devant sa belle, les adultes ne pensent pas à la gêne des enfants.
Hélas, la nouvelle maison signifiait aussi qu'il n'y aurait plus pèche dans le caniveau avec la canne à pèche fabriquée par le papa et comme hameçon, une épingle a nourrice.
Des papa différents....
Surtout trois..., pour cinq enfants, des papas sans visages.
La mère courage continue sa traction entre les deux brancards, même les plus petits réalisent que la mère a bien hâte d'arriver à destination
Cinquante ans plus tard le petit garçon se souvient...
Une rue pas encore finie d’un quartier en construction, rue Jeanne Marvig, une poétesse !
Une rue bourbeuse avec des planches pour les piétons, des batisses plantées là ,comme des décors de cinéma, une maison immense, en fait un F5 sur deux étages, mais pour un petit garçon une sorte de château...
Les maigres affaires de la famille déchargées en deux minutes, les plus petits qui demandent à rentrer à la maison d'avant à cause de la fatigue, les plus vieux qui réalisent et qui embrassent les murs fraîchement peints, de l’eau à domicile et le gaz en tournant des robinets, les toilettes ou la chasse d’eau devient un jeux Nitendo de l’époque, les sacs de couchage vite déballés, la découverte de nouveaux amis dans la soirée, découverte aussi de L’ECOLE...
Le vieux poêle au charbon trônant au milieux de la salle de classe, du bonheur et de la chaleur...
Et la vie continue !!
Hommage a ma mère