Le puits et la margelle
Assise auprès du puits tu regardes le ciel
Le bleu est d'un abîme où passe une hirondelle
elle suit dans ses zigzags un insecte volant
elle ignore l'espace dans son vol insolent
Les poissons irisés qui musent dans l'étang
ne connaissent ni rivières ni le vieil océan
pourtant nagent agiles entre les barques frêles
tandis que les enfants crient sur les balancelles
Je serai le poisson, tu seras l'hirondelle
et nous vivrons petits dans ce monde trop grand
nous referons les gestes venus des nuits des temps
poussant d'un pied ancien le palet des marelles
Tu regardes le feu et tu suis l'étincelle
qui meurt sur notre nuit dans un sursaut d'ardeur
la pénombre du soir nous tient dans sa nacelle
l'horizon loin très loin a perdu ses couleurs
Nous sommes là, au puits, assis sur la margelle
le caillou que tu jettes attend de résonner
impatiente tu guettes d'un regard étonné :
le caillou tout au fond fait un trou dans le ciel
Et je te prends la main, tu vois bien n'aies pas peur
nous bâtirons un monde tout autour de ton coeur
la peau de ton épaule à l'odeur de cannelle
et je trouve à tes lèvres un goût de caramel