Jour après jour, le temps se fond en métal rare,
Mais, à trop le presser, on distille un curare
Qui, dans le quotidien, en malin, s’insinue,
Produisant des effets jusqu’alors inconnus.
La vie est devenue course contre la montre.
Aucun aspect n’est à l’abri, tout le démontre.
C’est le condensé, l’abrégé, le rétréci,
Le résumé, le raccourci, qu’on apprécie!
Ère où tout ce qui dure apparait indigeste,
Où l’on oublie le tout pour s’arranger d’un zeste,
Où personne ne sait « donner du temps au temps »,
Où l’on voit tout rouge quand on nous dit « Attends »,
Ou « plus tard », « tu verras », « sois patient et espère.. ».
Evolution prévue, nous disent les experts.
Mais y-a-t-il vraiment, toujours, partout, urgence
Qui nous obligerait à faire allégeance ?
Mon ami, garde-toi des nouvelles tendances.
Réagis comme moi, fais preuve d’indépendance!
Voici quelques conseils, sages au demeurant,
Pour faire grossir les rangs du contre-courant.
Va à pied, tous les jours, acheter ta baguette,
Ce, quel que soit ton âge, ou l’infarctus te guette.
Laisse-les s’entasser dans le premier métro,
Tu prendras le prochain, et sans montrer tes crocs.
Aux caisses surpeuplées, peu importe l’attente,
Prends ton temps; et sois sourd aux remarques blessantes.
Ne joue pas à l’euro-millions, tu te mens.
Ouvre plutôt un plan d’épargne-logement.
En cuisine, emploie surtout l’huile de coude,
Mijote-toi des plats et boude les fast food.
Cherche, ta vie durant, l’âme-soeur. Mais sois contre
Tous les sites trompeurs proposant des rencontres.
Si tu as du talent, « sur le métier, cent fois...»,
Ton tour viendra un jour. Mais ne vis pas sans foi.
Enfin, des nouveautés n’essaie pas d’être fan.
Les modes et les fleurs, un jour, elles se fanent.