Qui de vous ne connait l’histoire
De la cigale et la fourmi
Où la seconde, c’est notoire,
A couvert l’autre d’infamie ?
Je vais vous conter la mienne,
Qui se déroule de nos jours,
Pour que nos bambins retiennent
Que la vie se venge toujours.
La fourmi investit en bourse.
C’est un trader de grand renom.
Elle disposait de ressources,
Autrefois quand elle dit non
A la pauvre en grande détresse,
Qui avait peu mis sous la dent
Depuis trois jours. Cette traitresse
La condamnait, c’est évident,
A une lente agonie. Triste,
De traiter avec tant d’excès
Sa voisine, une vraie artiste
Qui courait après le succès.
Laquelle se sortit d’affaire,
Soutenue par de vrais amis,
Hantée par le désir de faire
Enfin la « Star académie ».
De fait, elle reçut pécule
Grace à ce show-réalité,
Où elle sut montrer son cul,
Quand l’audimat périclitait.
On réussit dans le spectacle
De nos jours par des faux-semblants.
Et la télé porte au pinacle
La gent quelconque, sans talent.
Là-dessus survient la crise,
Frappant les marchés d’anémie,
Mille faillites pulvérisent
Tous les avoirs de la fourmi.
Elle, jadis millionnaire,
Investissant sou après sou,
Connait la misère ordinaire
Dans le troisième dessous.
Elle est même expulsée, et, pire,
Honnie par ses amis d’hier,
Des clients floués qui conspirent
Pour l’envoyer au cimetière.
La cigale, aujourd’hui célèbre
Surtout pour son postérieur,
Apprend la nouvelle funèbre.
Imposant silence aux crieurs,
Elle, que la haine n’habite,
Oublié le refus d’antan,
Vient offrir couvert et gîte
A sa voisine de vingt ans.
Quelle peut être la morale
De ce conte, pour les humains ?
Qu’il ne faut attendre le râle
D’un voisin, pour tendre la main,
Qu’il n’est point de labeur futile
En ce monde d’intolérance,
Que même un clown peut être utile
Pour redonner de l’espérance.