J’ai la mélancolie d’un temps de mon enfance,
Les soirs de solitude, où, l’âme chiffonnée,
Je pleure les beaux jours lointains d’insouciance
Du temps de mes dix ans, d’avant de boutonner,
L’âge des jeux d’enfants, infinis et intenses,
Que deux, trois ans de plus feront abandonner,
Pour d’autres plus troublants, ceux de l’adolescence.
Au sortir du ciné, c’était tous les dimanches,
La rue se transformait en Far West incertain,
On jouait à John Wayne affrontant les comanches,
Au shérif poursuivant les voleurs de butin.
On avait mille vies et droit à la revanche
Quand on mourait trop vite, au duel du matin.
Pour le scénario, on avait carte blanche.
Le mercredi, c’était le jour de notre piste
Aux étoiles, devant les « petits » piaffant.
Qui mimait un jongleur, qui les clowns gais ou tristes,
Magicien, dompteur de lions, d’éléphants,
Funambule sans fil, écuyer, trapéziste,
Qui le Monsieur Loyal d’un cirque ébouriffant,
Dans la cour de la J.O.C., sous l’oeil du Christ. (*)
On l’a jouée cent fois, cette demi- finale
Perdue face au Brésil par nos « grands » valeureux,
Sous le grand préau de l’école communale.
Tous rêvaient de marquer le but victorieux
Qui ferait, c’était sûr, la une du journal.
Mais le maître sifflait la fin du jeu, heureux
De faire enfin cesser le vacarme infernal.
Quand je rentrais chez moi, toujours après l’horaire,
Et souvent tout crotté ou culotte trouée,
J’appelais en secours le plus grand de mes frères,
Qui marchandait son aide. Il savait, le roué,
Mille et une façons de distraire mon père.
Alors je toussotais, et ma voix enrouée
Et mes larmes m’ouvraient grands les bras de ma mère.
(*) J.O.C.= Jeunesse Ouvrière Chrétienne