J’ai cherché en vain des écrits
Donnant quelques conseils basiques,
Ce qu’on retient, ce qu’on proscrit,
Pour créer sa propre musique.
Voici ce que je me prescris.
Se tenir loin, pour un moment,
De ces poëmes à vers libres,
Qui ont un parfum de romans.
Préférer le ver en calibre,
Qui parait le moins assommant.
Fuir toute facilité,
S’imposer encore la contrainte
Dure de vers délimités,
Dans une liberté restreinte,
Asservis, sans brutalité.
Résister à ces tentations,
De rendre obscur ce qu’on veut dire,
D’admettre avec résignation
Des mots qu’on voulait s’interdire.
Ce n’est que capitulation.
Ne pas céder aux injonctions
De la petite voix interne,
De donner la bénédiction
A des images subalternes,
Qu’on destinait à l’éviction.
Ne pas rechercher à tout prix
A utiliser des formules.
On rique fort d’être incompris
Sur le sens que l’on dissimule.
On n’en retire que mépris.
Se garder de toute expression
Qu’on serait le seul à comprendre,
Qui est vue comme une agression
Par le lecteur qui veut reprendre
Goût aux textes, sans oppression.
Ne pas imiter les rapeurs,
Adeptes des rimes faciles,
Qui écrivent à toute vapeur,
Ne cherchant que des mots-missiles,
Pour provoquer de la stupeur.
Mais façonner avec ses mots,
Comme un potier son argile,
La terre glaise sans grumeau
Du poëme qu’on sait fragile,
Pour qu’il ait l’éclat des émaux.
Toucher les rimes avec doigté.
Bien ménager les féminines,
Dans du velours, dans du ouaté,
Sans maltraiter les masculines.
Et défense de se hâter !
Et lire les auteurs d’antan.
Etancher sa soif à la source
Des plus grands, pas des charlatans,
Dont l’intimité nous ressource.
Les approcher avec le temps.